mercredi 5 août 2009

Étreintes

Si je me devais de choisir
Pour une raison d'espace
Un seul de mes souvenirs
Ce serait celui de toute manière 
De nos étreintes dans la mer

Si vous voyez que change mon visage
Qu'il s'illumine en plein février
Dans la grisaille les jours s'alignent
Ce n'est pas que je m'amuse de l'hiver
Je pense à nos étreintes dans la mer

dimanche 2 août 2009

La java des bombes atomiques

Je tourne un peu en rond dans ma grande maison, aujourd'hui. Pourtant c'est un dimanche gris comme je les adore ; il fait aussi sombre maintenant qu'au petit matin. Me suis réveillée avec Boris Vian au fond de ma tasse de café, un peu trop fort. Marché jusqu'au café en bas de la rue puis à l'épicerie, et ça m'a énervée, qu'il y ait tant de gens dans les allées et qu'ils marchent moins vite que moi et qu'il n'y ait pas de sirop d'érable sur les tablettes et surtout qu'il n'y ait plus de thé à la réglisse noire et à la menthe. Alors j'ai pris une douche et puis une autre, peint mes ongles d'orteil un peu tout croche, oui je sais. Je pense que j'aimerais ça, ce soir, écouter un film serrée contre toi. Et qu'un orage nous tombe dessus, aussi.

jeudi 23 juillet 2009

Vénus en balance

Allez viens tu m'as dit, on va marcher autour du Lac. Mai l'aura peut-être fondu.

Et puis on s'est égarés. Intentionnellement, c'est vrai. Y'avait plus de soleil du tout, faisait froid, dans les prémices de l'été. Y'avait même plus de Lac. Qu'une vieille voie ferrée et des silhouettes d'arbres décrépis. Pourquoi tu sens le Old Spice dans ton t-shirt orange ? On a parlé de la fille aux couettes blondes, de la déception, de l'amertume. Hésitant, tu m'as demandé si tu m'avais brusquée - fin décembre de tourmente, Montréal, ta chambre. Pourquoi ça m'avait pris tout ce temps avant de te demander d'arrêter. 

Et puis allez, suis-moi, je te fais visiter mon petit coin, tu m'as dit. Il y avait tes Converse rouges délacées dans le portique du demi sous-sol. C'était bien ici chez toi - informel, hâtif, gamin. Un bouquin de Jules Verne, une pile d'albums que je ne connais pas encore, une douillette délavée, imprimée du système solaire. Tu me fascines. Sourire timide, à ton habitude. Neptune.

mercredi 15 juillet 2009

Creep

J'ai essayé de ne pas écrire. 
De résister à mes pinceaux, trois mois maintenant.
Voir si je parvenais à m'exalter des jours qui passent sans spontanément les transposer sur papier.
Laisser aller leur empreinte.
Vivre, juste ça. Ça se peut ?

Échec, en tous cas.
3 mois maintenant and I feel so empty.
Aujourd'hui me lasse, demain m'angoisse. 
Je manque d'introspection, de perspective, d'ambition.
Je rêve de l'automne. 
I wish I was special. 
D'ici là, je vais au moins l'écrire.

jeudi 23 avril 2009

Tellement longtemps

Le samedi soir, décliner les invitations à la fête
Arracher mon soutien-gorge, enfiler un chandail usé
Tirer les rideaux verts, cadenasser ma chambre mauve
Dépoussiérer mon coffre à pinceaux 
Les mains noires d'encre, le coeur heureux.


lundi 20 avril 2009

Fondre comme la neige aux doigts du printemps

Il me semble que de la fenêtre de ma chambre violette, hier c'était l'hiver encore. L'hiver et les tisanes gingembre & menthe, avec en trame de fond les vibrations des cordes de la guitare. Contre toutes attentes, le bonheur simple au bout des doigts avec ce garçon, sans que je n'élucubre trop de mélodrames pour rythmer les crépuscules de neige. Le printemps, pas trop loin de ce garçon par qui je m'éveille à mieux m'aimer. Les mois qui s'enfilent sans rimer leur quotidien. Le printemps et ses débuts qui me mélancolisent à tout coup ; je retrouve enfin mon repère tranquille. 

vendredi 27 février 2009

Tant qu'on pourra danser, tant qu'on pourra chanter

Dès le commencement, il y a sept ans, je suis vite devenue dépendante. C'était donc en toute partialité que j'attendais Labyrinthes, comme un chef d'oeuvre annoncé. Une troisième fois, les gars de Malajube réussissent ce qu'ils savent de mieux en mieux faire. Brillamment, d'une amplitude nouvelle ; d'une complexité architecturale et d'une brisure de rythmes qui me trottent sans arrêt dans la tête depuis une semaine. Assez pour traîner mon Ipod à l'hôpital et pour me permettre une écoute d'une pièce (ou trois) entre deux patients bien sages. Hier soir, c'était le premier de deux concerts au Téléphone Rouge. Parce qu'ils ont cette qualité là aussi ; celle de choisir, par souci d'intégrité, ces petits endroits intimes pour livrer leurs chansons, en dépit des gros sous des salles trop grandes qu'ils rempliraient dans le temps de le dire. Dans mon petit repère tout rouge, les concerts ne commencent jamais bien avant minuit ; le temps de boire beaucoup de Moosehead avec le percussionniste.


J'avais parié avec C. qu'ils ouvriraient sur Ursuline : une introduction pianotée suivie de cadences de guitares scindées et le bal était ouvert, dans un délire certain. Julien brise une corde dès ses premiers  accords ; puis la nuit s'élance au son d'un chaos si bien organisé, d'une progression de notes fantômatiques et de glorieux solos de guitares superposées. Ces gars là arrivent à piocher sur leurs instruments et à crier dans leur microphones d'une façon qui me ravit.  

Une sublime Monogamie. Étienne d'Août qui m'arrache les larmes des yeux à chaque fois. Une parfaite montée des Collemboles. La Valérie, qu'on n'espérait plus et Christobalt, pour finir. Vous savez, cet instant de pur bonheur qui vous envahit parfois, au détour d'un concert ? Le ravissement de vivre cette extase musicale, la fierté de voir ces gars d'ici créer d'une façon si ingénieuse. Et la naïve impression que c'est encore une fois l'un des plus beaux concerts que l'on ne verra jamais. 

samedi 21 février 2009

Je voudrais me déposer la tête

J'ai la gorge coincée par mes amygdales éléphantesques et les mots ne parviennent même plus à en sortir. J'ai avalé de la purée de pommes au petit déjeuner, de la purée de fraises et poires au dîner et je n'ai pas d'appétit pour le souper. Envie d'une longue douche ni chaude et ni froide, pour adoucir la fièvre. Pas un brin d'énergie pour m'y traîner. 

J'ai la tête qui virevolte ; sous ma peau ça bouille et c'est le Pôle Nord la minute qui suit. Cette peau sensible comme celle d'une jeune fille qu'on touche pour la première fois. 

Je pense que je vais aller me cacher sous les couvertures jusqu'à demain, avec mon ourson polaire. 

jeudi 19 février 2009

Old man

Il était une fois ce vieil homme que je retrouve immanquablement à ma Brûlerie. À presque chacune des centaines de fois où j'y ai mis les pieds, depuis trois ans, il était là aussi. Il fume la pipe ou bien il picole sa canette de Coke Diète. Un papillon noué au collet de sa chemise, et quand il neige il enfile sa "soute" d'hiver mauve et verte. Jamais je n'ai entendu le timbre de sa voix. 

Chaque fois, j'envoie un sourire timide ou un bonsoir soufflé vers ses grands yeux tristes. Chaque fois, il jette un regard furtif à sa droite, il cherche impatiemment la mire de cette gratuité. Mal à l'aise de ne pas trouver, il tambourine sur sa canette.

Je me demande d'où il vient. Je me demande s'il a un jour été férocément amoureux, s'il se souvient des papillons qui tourpillent dans le ventre. Je me demande s'il était menuisier, fermier ou s'il a fait la guerre. Je me demande à quoi il pense, quand de ses mains il joue nerveusement avec son mouchoir. Je me demande pourquoi il ne se distrait pas d'un journal,  si on ne lui a jamais appris à lire. Je me demande où il vit. Je me demande surtout s'il a un chat pour lui tenir compagnie. 

Le dernier automne, Jean-François a discerné ma mine un peu dépitée par l'absence de réponse à ma vaine tentative. Je t'en prie, qu'il m'a dit, continue de lui tendre la main ; un jour il se sentira digne de ton sourire.

Ce soir, le vieil homme m'a souri et saluée de son bérêt.

mardi 17 février 2009

La chambre


Bientôt, je ferai du café au lait de soja et nous parlerons, cachés dans ma chambre mauve. Nous parlerons jusqu'à des heures marginales, quand la maison devient hantée. Pieds nus, tu me feras rougir. Je te dessinerai des marées au creux du dos, la peau comme une page blanche jusqu'à l'aube. Bientôt, il fera très sombre et de ma fenêtre ce sera l'hiver encore. 

dimanche 15 février 2009

Tes jambes, aussi

Pouvant se balader le matin dans ma cuisine, s'allonger contre moi le soir, s'étirer sous le couvre-pied, se plier et se déplier sans faire de bruit. Je pense à tes jambes, c'est vrai. Des jambes imprégnées de finesse. Faites comme on sait les construire dans certains pays de l'Europe du Nord. Des jambes de marathonienne du Kenya, mais ici, à Montréal, toutes blanches et toutes femmes, glacées, suppliant d'être réchauffées. Me sentir tout à fait concerné par  la splendeur de tes jambes, puis retourner faire brûler la mairie, la prison et l'hôtel. Trancher la tête de ceux qui nous auront oubliés. La nuit, vingt-cinq degrés sous zéro, ajouter dans le ciel l'hiver orangé de nos incendies.

- Maxime-Olivier Moutier, Lettres à mademoiselle Brochu dont je tourne la dernière page à l'instant

vendredi 13 février 2009

15h22 d'une semaine qui s'achève

Promesse à moi-même : l'an prochain, faire le saut vers Montréal. Peu importe le confort des petites villes et leurs quotidiens inébranlables. Peu importe les chemins des compères et les renonciations inéluctables. Peu importe les considérations académiques bagatelles épisodiques. 

Peu importe, il faudra m'y hasarder. 

lundi 9 février 2009

Leur part d'infini

En stage aux Îles-de-la-Madeleine, j'ai eu le bonheur de cavaler encore plus loin. Parce qu'il y a la médecine en région très éloignée, et puis celle-là, délaissée comme un secret bien gardé. S'agissait d'enfiler une tuque, trois paires de bas chauds et des combines sous mon uniforme de jeans et de laine.

J'ai les genoux dans le dos du pilote de notre avion 4 places. Ça bourrasque un peu, pas de quoi s'affoler ; on a tapé une hélice qui faisait des siennes avant le départ. Le soleil et moi, on s'éveille tout juste que l'engin se pose sur la piste longue comme mon salon et ma cuisine ensemble, qui s'achève sur un bout de falaise. Le pilote nous conduit au CLSC en quatre roues ; il s'agit de notre premier patient. Le deuxième, c'est le chien de Mr Walsh.

L'Île d'Entrée, c'est bien ici. Un monde en soi, un monde de sept kilomètres carrés pour 96 Robinsons. Ici tout se compte : 110 vaches, 28 camions, 22 poulets, 8 tracteurs, 7 collines, 6 chevaux et 5 chemins. Il y a là une école. Tous niveaux confondus, elle serait occupée par les rires de huit rouquins. Et comme il y a autant de bêtes que d'habitants, on a séparé l'Île en deux ; la moitié en pâturage pour les vaches, l'autre demie pour les pêcheurs et leurs familles. 

L'endroit me rappelle tant un bout de terre oublié au large de l'Islande que les images  et les accents se superposent. Le récit de Vestmannaeyjar, j'y viendrai un prochain soir d'hiver. 

Pour la quatrième fois depuis ce matin, on me raconte la légende de ce Johnny Cash oublié du golfe du St-Laurent. Ivan Quinn, à la fois musicien, épicier et maire de l'Île. Il paraît que dans sa microscopique épicerie insulaire, sa vieille Fender gardait le fort, plantée au milieu de la place dans un garde-à-vous perpétuel. Sur demande, il vous poussait quelques chansons et vous vendait une boîte de soupe Campbell.

Et de la porte de son épicerie, on voyait, je vous jure, des centaines de kilomètres de vent et d'eau salée.


dimanche 8 février 2009

Marie-Hélène au mois de mars

On retrouve dans ce premier récit toute l'ardeur de style de Maxime-Olivier Moutier, avec ses images décalées et ses effets d'humour à froid. En trois mots, il vous fait un portrait, vous installe dans sa chambre, vous dépeint son désespoir. Tout à la fois.

Anéanti après une tentative de suicide échouée de peu, après une histoire d'amour échouée de beaucoup, il appelle le 911 et prépare ses valises. On l'interne dans cet étrange monde où règne l'ordre, dans ce temps d'engourdissement et de rationalisation. Avec les autres fous qui hurlent, les infirmières qui sourient comme des espionnes et les caméras partout. Avec le vide rédempteur qu'apporte chaque soir le somnifère convoité dès le matin. Faire l'expérience du vide, tenter de comprendre pourquoi elle l'a trahi. 

« Je vais devoir la baîllonner. Le matin, le soir, la fin de semaine, en lui parlant, en criant plus fort qu'elle, pour ne plus qu'elle répande son désordre. Lui parler, en lui faisant l'amour à répétition. Je vais devoir la baîllonner tout le temps. Je vais devoir acheter des kilomètres de ruban adhésif, pour mieux la baîllonner. Du ruban de qualité. »

« Je vais devoir attendre. Attendre d'avoir des hallucinations, pour passer le temps. Attendre jour et nuit que quelqu'un se décide à crever. Attendre un nouveau coeur. Un coeur de porc, à l'abattoir, au fond d'un seau. Un organe tout neuf, prêt à aimer Marie-Hélène une nouvelle fois. »

Roman autobiographique, l'auteur souligne dans sa préface que c'est de la fiction, lui donnant une gravité et une acuité qui saisit l'attention ; il ne s'agit pas d'un roman comme tant d'autres, d'ailleurs n'est-il pas sous-titré Roman d'amour ? Le roman d'un amour chimérique, d'un état de crise où s'exacerbe l'individualité. Comme une générosité, un altruisme scié à vif, un débordement d'amour qui conduit à la noyade.

mardi 3 février 2009

Janvier

La tête appuyée contre le hublot, je regarde la piste de décollage se dissiper. En moins de deux, les hélices font dévier les Îles-de-la-Madeleine et aussitôt les glaces jouent de leurs formes géométriques. Je cherche une baleine, un loup marin ou un hippocampe ; un sourire qui grandit et les yeux rivés sur l'océan.

À nouveau, cette sensation d'allégresse qui se répand comme un grand frisson, chaque fois qu'un avion s'envole sous le frêle poids de mes bottines. Partir comme une quête incertaine, sur la curiosité d'un élan. Cet après-midi encore, revenir avec le ravissement d'avoir connu et la fierté d'avoir osé .

J'ai goûté janvier à travers les rafales de vent sur les dunes et la cadence des Madelinots. J'ai aimé janvier à travers une partie de cartes à l'urgence de l'hôpital quand le bon temps gardait les patients sous le soleil, à travers leur gratitude et mes premières victoires les jours de neige. 



J'aurai souvenance d'une épave à moitié couverte de neige, d'un littoral verdi par des nuages que traverse le soleil. D'une maison isolée comme une plante sauvage au milieu du désert, d'autres que l'on dirait alignées par un enfant sage. De la tempête du siècle qui ne vient jamais, des pêcheurs qui m'invitent à dîner à leur table, et de toutes ces histoires pas possibles qu'on y raconte.

Il fait bon de partir, chaque fois, effleurer les rivages.

 



jeudi 29 janvier 2009

Avant propos

Pour éviter qu'à peine passé tes trente-deux ans, tu commences à trouver ta vie monotone, nous organiserons des carnavals. Comme quoi je pense à tout. Alors, dans les rues, des masques tout en couleur. Disséminés de ruelles en boulevards, des cadavres un peu partout. Et moi, planté là parmi eux, pieds nus dans la boue. Sur le toit d'une carriole sans cocher, prendre le temps qu'il faut pour te lécher. Toute une nuit durant, te prendre pour du Nutella.

- Maxime-Olivier Moutier, Lettres à mademoiselle Brochu

dimanche 25 janvier 2009

Heima, pour voyager au Nord

Une pellicule comme une aurore boréale. Poétique, contemplative, solennelle et grandiose, Heima immortalise en images la série de concerts-surprises que Sigur Rós a offerts à la population islandaise au détour d'une tournée mondiale, à l'été 2006.

Tantôt acoustiques et intimistes, plus tard orchestrales et majestueuses, ils y vont de relectures de l'ensemble de leur répertoire dans des lieux qui témoignent de l'authenticité de leur démarche et de leur attachement à l'héritage traditionnel islandais. 

À la salle communautaire du village d'Ólafsvík, à l'usine à baleines désaffectée de Djúpavík, près des chutes d'Ásbyrgi, sur une ferme de Kirkjubæjarklaustur ou dans les marches de l'église bleue poudre de Seyðisfjörður. Entre les éclats de glockenspiel et de xylophone, les quatre compères d'une timidité désarmante confient qu'il est bien d'être chez-soi. Mais cet écho biographique est à peine abordé, tant les préoccupations de Sigur Rós sont avant tout artistiques.

Photographié avec un talent admirable, le pays ne fait plus qu'un avec la musique. Le caméscope rend à merveille la splendeur du spectacle qui s'étend à l'horizon. On devine les regards émus jetés sur les enfants et leurs cerf-volants, sur les spectateurs perdus dans leurs pensées. 

L'histoire s'achève au bord d'une transe lors d'une finale d'une intensité foudroyante à Reykjavik. Au terme de ce périple, on aura senti l'âme de l'Islande battre au creux des murmures et des pulsations lancinantes du récital de Sigur Rós. 

Une perle, véritablement. Heima vous fera peut-être acheter un billet d'avion comme le plus beau des coups de tête et dépoussiérer votre sac-à-dos, vous aussi. 

jeudi 22 janvier 2009

Le bikini à pois

J'aime les piscines. Les vapeurs de chlore, la pression de l'eau sur les tympans, les sons assourdis et la lumière bleutée qui semblent venir d'un autre monde, tout contribue à mon euphorie. Je nage peu, pourtant, et assez mal. Plutôt qu'en poisson, j'aimerais me réincarner en crabe, en homard ou en bernard-l'hermite. Confortablement installé dans mon coquillage, au fond de mon océan, je passerais ma vie à admirer les nageuses.

- François Gravel, Ostende

dimanche 18 janvier 2009

Exit music

Je ne voulais pas. Je ne voulais pas parce que c'était tout ce qu'il me restait de toi. Chaque fois que je fouillais pour un peu de monnaie, le bout de mes doigts effleurait le carton usé, tes yeux ébène se posaient sur ma nuque comme un long frisson.

J'ai laissé tomber le souvenir délavé de notre concert, ce concert là où on a écouté You and whose army, la gorge serrée tellement c'était beau. Toi et moi enroulés dans une couverture qui se fondait au crépuscule, loin de la foule.

Je l'ai caché, bien à l'abris sous mon bol de chocolat encore chaud, sur la table du Café. Les billets expirent après trois ans.

Je ne me suis même pas retournée, en claquant la porte. 

vendredi 16 janvier 2009

Recuerdas

Ma belle amie, 

Tu me dis que tout va, et au fond de moi, tristement, je sais que tu sombres tranquillement. Que tu sais plus bien ce que tu fais ici, que les réveils sont difficiles, que tu crois que t'en sortiras pas. Quand les jours usent ton sourire, quand demain n'a plus de sens, souviens-toi de nos deux mois sac-à-dos loin de tout. 

Souviens-toi de la nuit où nous nous sommes perdues dans le désert, quand il nous semblait que jamais nous ne retrouverions la civilisation. De la quiétude qu'il faisait cette nuit-là, de nos chuchotements pour ne pas déranger les étoiles. Souviens-toi du matin de mon anniversaire, de ton réveil aux petites heures pour sillonner les mercados de La Paz et  me préparer la plus colorée des salades de fruits. De la fête que nous nous sommes faites ce soir-là, les mojitos, la coca et le jazz. 

Souviens-toi de nos sacs-à-dos qui nous forgeaient l'âme et l'utopie. De ce soir où nous avons dérobé la pirogue pour se poser au milieu de la rivière junglesque, une bouteille de vin à la main, et des hurlements des capucins dans la noirceur céruléenne. Dans cette nuit où tu m'as avoué que notre périple t'avait sauvée. Que tu t'étais accroché à son espoir, alors que tu croyais que la vie était de trop. 

Souviens-toi de l'absurdité de nos parcours, des mésaventures qui nous faisaient toujours rire aux éclats. De nos illusions et de notre audace, des milliers de kilomètres parcourus. De tous ceux qui ont croisé notre chemin, le temps d'un matté. Et des cahiers de poésie que tu remplissais, et des tablettes à dessin que je noircissais. 

Souviens-toi comment tout était possible, quand rien n'avait de limites. Comment nous avions oublié d'où nous venions, et tous ceux qui nous le rappellaient. 

Souviens-toi que nous n'avions jamais été plus sereines, que nous avions enfin trouvé le moyen de se perdre. Alors plonge, ma belle amie. Impose ta chance, serre ton bonheur, va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront. 

jeudi 15 janvier 2009

A crack in the wall

Il y a de ces chansons auxquelles je voue une profonde possessivité. Celles que j'écoute en catimini, la porte close. Celles dont je tais l'existence, même si je les trouve magnifiques. 

Quelquefois je les partage avec un ami, jamais plus qu'un seul. Un ami pour qui, je crois, elles auront un sens autant qu'elles ont de signification pour moi. Des chansons-comme-des-trésors que je garde sous clé, jalousement. 

Pareil à une petite fille dont on emprunte la poupée, ça me dérange quand on les refile à d'autres. Déraisonnable, je sais. Enfantin, d'accord. Ça me dérange.

dimanche 11 janvier 2009

La mer à boire

Un bol de café au lait, son arôme de cannelle sucrée. 
Mon tricot de laine grise et des chapitres nouveaux à bouquiner. 
Les "bienvenue chez nous", peut-être des sourires intrigués. 
Grimper la butte pour voir le soleil s'éclipser. 



Il y a de ces après-midi qui m'envolent et qui me laissent un goût d'infinies possibilités. Les Îles sont encore plus belles que je les avais imaginées.

samedi 10 janvier 2009

Un coup de vent

Janvier. 

Depuis une semaine je contemple l'océan qui s'éclaire de la fenêtre de ma chambre, emmaillotée dans mes couvertures. Les Îles-de-la-Madeleine sont splendides sous leur manteau de neige. En ouvrant les yeux  au petit matin, j'ai pensé à toi. Depuis longtemps tu voulais connaître l'Archipel ; on s'était promis de prendre ta voiture et de regarder défiler le Saguenay et le St-Laurent jusqu'au bout, toi et moi. T'es partie trop vite, juste avant le retour de l'été, comme un coup de vent.

Oh je ne fais pas de grandes folies ; ici, les jours sont tranquilles. Je joue la médecin à l'hôpital, le stéthoscope au cou et un sourire d'enfant au visage. Quelquefois il y a de vieilles dames qui me rappellent ton souvenir, avec leurs yeux pétillants et cette manie qu'elles ont de se frotter les mains comme si c'était l'hiver aussi dans leur corps fragiles. 



Toujours quand j'entends un croassement, je tends le cou au zénith et je m'étourdis à suivre des yeux les corbeaux qui spiralent en haut. Eux aussi me font penser à toi, et à tous ces oiseaux dont tu m'enseignais les noms au lever du soleil. Quand le printemps rappliquait, je te bricolais une cabane, t'en souviens-tu ? Tu m'étreignais et me chuchotais au creux de l'oreille que c'était la plus jolie. Que les oiseaux de tous les pays voleraient s'y réfugier.

Le vent souffle très fort, ce soir ; agrippe-toi bien aux étoiles, Grand-Maman.

mardi 6 janvier 2009

Vík í Mýrdal

Il existe un endroit magique sur la côte australe de l'Islande. Pour l'atteindre, il faut marcher l'unique route très longtemps, plusieurs jours même; porter son sac-à-dos sous la pluie, contourner le glacier, accompagner les moutons.

Quand on débarque à Vík, sans trop comprendre on a très envie de grimper la montagne qui domine la mer. De pousser l'audace et les petits pieds qui rouspètent. Néanmoins il faut faire preuve d'humilité, quand on aborde la montagne mousseuse à Vík, quand on pose le pied sur un serpent glissant qui nous renvoie à la case départ, les fesses mouillées. Essayer encore. 



Quand on arrive au sommet, il faut abandonner son sac et s'approcher de la falaise. Très doucement, sur la pointe des pieds. Se coucher sur le ventre parce qu'on a le vertige et s'accrocher les doigts esquintés sur le rebord, oser un regard. Ils sont juste là, les magiciens.

lundi 5 janvier 2009

Le goût ancien

Ça fait si longtemps, cette époque où l'on se demandait comme faire. 

dimanche 4 janvier 2009

Tout comme

Show me, show me, show me how you do that trick
The one that makes me scream, the one that makes me laugh

vendredi 2 janvier 2009

The time of your life

À vérité ou conséquence (je choisis toujours vérité), tu m’as demandé quel était l’instant où j’avais été le plus précisément heureuse. Je vais te raconter, je vais te raconter au meilleur de mon souvenir.

C’était en août, le 32 ou le 33 peut-être bien. C’était sur l’Île de Pâques, plutôt Rapa Nui comme on l’appelle là-bas. « La grande lointaine ». J’étais là, imprévue, par un concours de circonstances, par une bulle de folie de fin d’été. J’errais tranquille où les Moaïs attisent les légendes, à des milliers de lieues entre l’Amérique latine et Tahiti, sur leur parcelle de terre de fin du monde.

L’instant de ma vie, c’était cet ultime matin de parfaite quiétude. J’avais ouvert les yeux aux aurores. Traversé l’Île sur sa largeur pour surprendre l’aube qui s’éveillait de l’autre côté. Le silence n’était rompu que par le rythme de mes pas sur la terre vermillon. De temps à autre par le galop d’une horde de chevaux sauvages passant en coup de vent qui me taquinait les jambes.

Ce matin-là, je me suis assise sur le sable près des vagues, j’ai fixé le soleil qui s’imprimait par-dessus l’océan infini. Un vieil homme s’est approché sur son cheval, un bâton de pêche rudimentaire en main. Il s’est agenouillé à côté de moi, muet, fixant devant lui aussi. 

Le jour s’est levé, nous avons échangé quelques mots chuchotés. Le peu qu’il faut pour se comprendre, lui en Māori et moi en Espagnol. Ce matin-là, j’ai compris que sur son Île du bout du monde, il y avait tout ce qu’il faut pour vivre.



C'était ça. 

And for what it's worth,
it was worth all the while.

jeudi 1 janvier 2009

Such a fine line

Le premier café-réveil de la nouvelle année, avec Neil Young qui joue de son harmonica dans mes oreilles. 

Dans quelques jours je pars pour un nouveau quotidien, loin de celui qui m'est si confortable depuis trois années. Je pars loin et je pars seule, laissant ceux que j'aime derrière l'instant d'un défi, d'une découverte. J'avoue que l'absence de repères me fait un peu peur, cette fois. Juste un tout petit peu. Quand même pas assez pour oblitérer la fébrilité qui me tient, au matin de cette année toute neuve. Je me souhaite qu'elle soit emplie d'explorations et d'accomplissements. Que la goût de créer s'empare de ma tête et de mes doigts toujours plus fort. Que les accolades et les éclats de rire m'endorment le sourire aux lèvres. 

Que 2009 soit des plus belles, chez vous aussi.