jeudi 29 janvier 2009

Avant propos

Pour éviter qu'à peine passé tes trente-deux ans, tu commences à trouver ta vie monotone, nous organiserons des carnavals. Comme quoi je pense à tout. Alors, dans les rues, des masques tout en couleur. Disséminés de ruelles en boulevards, des cadavres un peu partout. Et moi, planté là parmi eux, pieds nus dans la boue. Sur le toit d'une carriole sans cocher, prendre le temps qu'il faut pour te lécher. Toute une nuit durant, te prendre pour du Nutella.

- Maxime-Olivier Moutier, Lettres à mademoiselle Brochu

dimanche 25 janvier 2009

Heima, pour voyager au Nord

Une pellicule comme une aurore boréale. Poétique, contemplative, solennelle et grandiose, Heima immortalise en images la série de concerts-surprises que Sigur Rós a offerts à la population islandaise au détour d'une tournée mondiale, à l'été 2006.

Tantôt acoustiques et intimistes, plus tard orchestrales et majestueuses, ils y vont de relectures de l'ensemble de leur répertoire dans des lieux qui témoignent de l'authenticité de leur démarche et de leur attachement à l'héritage traditionnel islandais. 

À la salle communautaire du village d'Ólafsvík, à l'usine à baleines désaffectée de Djúpavík, près des chutes d'Ásbyrgi, sur une ferme de Kirkjubæjarklaustur ou dans les marches de l'église bleue poudre de Seyðisfjörður. Entre les éclats de glockenspiel et de xylophone, les quatre compères d'une timidité désarmante confient qu'il est bien d'être chez-soi. Mais cet écho biographique est à peine abordé, tant les préoccupations de Sigur Rós sont avant tout artistiques.

Photographié avec un talent admirable, le pays ne fait plus qu'un avec la musique. Le caméscope rend à merveille la splendeur du spectacle qui s'étend à l'horizon. On devine les regards émus jetés sur les enfants et leurs cerf-volants, sur les spectateurs perdus dans leurs pensées. 

L'histoire s'achève au bord d'une transe lors d'une finale d'une intensité foudroyante à Reykjavik. Au terme de ce périple, on aura senti l'âme de l'Islande battre au creux des murmures et des pulsations lancinantes du récital de Sigur Rós. 

Une perle, véritablement. Heima vous fera peut-être acheter un billet d'avion comme le plus beau des coups de tête et dépoussiérer votre sac-à-dos, vous aussi. 

jeudi 22 janvier 2009

Le bikini à pois

J'aime les piscines. Les vapeurs de chlore, la pression de l'eau sur les tympans, les sons assourdis et la lumière bleutée qui semblent venir d'un autre monde, tout contribue à mon euphorie. Je nage peu, pourtant, et assez mal. Plutôt qu'en poisson, j'aimerais me réincarner en crabe, en homard ou en bernard-l'hermite. Confortablement installé dans mon coquillage, au fond de mon océan, je passerais ma vie à admirer les nageuses.

- François Gravel, Ostende

dimanche 18 janvier 2009

Exit music

Je ne voulais pas. Je ne voulais pas parce que c'était tout ce qu'il me restait de toi. Chaque fois que je fouillais pour un peu de monnaie, le bout de mes doigts effleurait le carton usé, tes yeux ébène se posaient sur ma nuque comme un long frisson.

J'ai laissé tomber le souvenir délavé de notre concert, ce concert là où on a écouté You and whose army, la gorge serrée tellement c'était beau. Toi et moi enroulés dans une couverture qui se fondait au crépuscule, loin de la foule.

Je l'ai caché, bien à l'abris sous mon bol de chocolat encore chaud, sur la table du Café. Les billets expirent après trois ans.

Je ne me suis même pas retournée, en claquant la porte. 

vendredi 16 janvier 2009

Recuerdas

Ma belle amie, 

Tu me dis que tout va, et au fond de moi, tristement, je sais que tu sombres tranquillement. Que tu sais plus bien ce que tu fais ici, que les réveils sont difficiles, que tu crois que t'en sortiras pas. Quand les jours usent ton sourire, quand demain n'a plus de sens, souviens-toi de nos deux mois sac-à-dos loin de tout. 

Souviens-toi de la nuit où nous nous sommes perdues dans le désert, quand il nous semblait que jamais nous ne retrouverions la civilisation. De la quiétude qu'il faisait cette nuit-là, de nos chuchotements pour ne pas déranger les étoiles. Souviens-toi du matin de mon anniversaire, de ton réveil aux petites heures pour sillonner les mercados de La Paz et  me préparer la plus colorée des salades de fruits. De la fête que nous nous sommes faites ce soir-là, les mojitos, la coca et le jazz. 

Souviens-toi de nos sacs-à-dos qui nous forgeaient l'âme et l'utopie. De ce soir où nous avons dérobé la pirogue pour se poser au milieu de la rivière junglesque, une bouteille de vin à la main, et des hurlements des capucins dans la noirceur céruléenne. Dans cette nuit où tu m'as avoué que notre périple t'avait sauvée. Que tu t'étais accroché à son espoir, alors que tu croyais que la vie était de trop. 

Souviens-toi de l'absurdité de nos parcours, des mésaventures qui nous faisaient toujours rire aux éclats. De nos illusions et de notre audace, des milliers de kilomètres parcourus. De tous ceux qui ont croisé notre chemin, le temps d'un matté. Et des cahiers de poésie que tu remplissais, et des tablettes à dessin que je noircissais. 

Souviens-toi comment tout était possible, quand rien n'avait de limites. Comment nous avions oublié d'où nous venions, et tous ceux qui nous le rappellaient. 

Souviens-toi que nous n'avions jamais été plus sereines, que nous avions enfin trouvé le moyen de se perdre. Alors plonge, ma belle amie. Impose ta chance, serre ton bonheur, va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront. 

jeudi 15 janvier 2009

A crack in the wall

Il y a de ces chansons auxquelles je voue une profonde possessivité. Celles que j'écoute en catimini, la porte close. Celles dont je tais l'existence, même si je les trouve magnifiques. 

Quelquefois je les partage avec un ami, jamais plus qu'un seul. Un ami pour qui, je crois, elles auront un sens autant qu'elles ont de signification pour moi. Des chansons-comme-des-trésors que je garde sous clé, jalousement. 

Pareil à une petite fille dont on emprunte la poupée, ça me dérange quand on les refile à d'autres. Déraisonnable, je sais. Enfantin, d'accord. Ça me dérange.

dimanche 11 janvier 2009

La mer à boire

Un bol de café au lait, son arôme de cannelle sucrée. 
Mon tricot de laine grise et des chapitres nouveaux à bouquiner. 
Les "bienvenue chez nous", peut-être des sourires intrigués. 
Grimper la butte pour voir le soleil s'éclipser. 



Il y a de ces après-midi qui m'envolent et qui me laissent un goût d'infinies possibilités. Les Îles sont encore plus belles que je les avais imaginées.

samedi 10 janvier 2009

Un coup de vent

Janvier. 

Depuis une semaine je contemple l'océan qui s'éclaire de la fenêtre de ma chambre, emmaillotée dans mes couvertures. Les Îles-de-la-Madeleine sont splendides sous leur manteau de neige. En ouvrant les yeux  au petit matin, j'ai pensé à toi. Depuis longtemps tu voulais connaître l'Archipel ; on s'était promis de prendre ta voiture et de regarder défiler le Saguenay et le St-Laurent jusqu'au bout, toi et moi. T'es partie trop vite, juste avant le retour de l'été, comme un coup de vent.

Oh je ne fais pas de grandes folies ; ici, les jours sont tranquilles. Je joue la médecin à l'hôpital, le stéthoscope au cou et un sourire d'enfant au visage. Quelquefois il y a de vieilles dames qui me rappellent ton souvenir, avec leurs yeux pétillants et cette manie qu'elles ont de se frotter les mains comme si c'était l'hiver aussi dans leur corps fragiles. 



Toujours quand j'entends un croassement, je tends le cou au zénith et je m'étourdis à suivre des yeux les corbeaux qui spiralent en haut. Eux aussi me font penser à toi, et à tous ces oiseaux dont tu m'enseignais les noms au lever du soleil. Quand le printemps rappliquait, je te bricolais une cabane, t'en souviens-tu ? Tu m'étreignais et me chuchotais au creux de l'oreille que c'était la plus jolie. Que les oiseaux de tous les pays voleraient s'y réfugier.

Le vent souffle très fort, ce soir ; agrippe-toi bien aux étoiles, Grand-Maman.

mardi 6 janvier 2009

Vík í Mýrdal

Il existe un endroit magique sur la côte australe de l'Islande. Pour l'atteindre, il faut marcher l'unique route très longtemps, plusieurs jours même; porter son sac-à-dos sous la pluie, contourner le glacier, accompagner les moutons.

Quand on débarque à Vík, sans trop comprendre on a très envie de grimper la montagne qui domine la mer. De pousser l'audace et les petits pieds qui rouspètent. Néanmoins il faut faire preuve d'humilité, quand on aborde la montagne mousseuse à Vík, quand on pose le pied sur un serpent glissant qui nous renvoie à la case départ, les fesses mouillées. Essayer encore. 



Quand on arrive au sommet, il faut abandonner son sac et s'approcher de la falaise. Très doucement, sur la pointe des pieds. Se coucher sur le ventre parce qu'on a le vertige et s'accrocher les doigts esquintés sur le rebord, oser un regard. Ils sont juste là, les magiciens.

lundi 5 janvier 2009

Le goût ancien

Ça fait si longtemps, cette époque où l'on se demandait comme faire. 

dimanche 4 janvier 2009

Tout comme

Show me, show me, show me how you do that trick
The one that makes me scream, the one that makes me laugh

vendredi 2 janvier 2009

The time of your life

À vérité ou conséquence (je choisis toujours vérité), tu m’as demandé quel était l’instant où j’avais été le plus précisément heureuse. Je vais te raconter, je vais te raconter au meilleur de mon souvenir.

C’était en août, le 32 ou le 33 peut-être bien. C’était sur l’Île de Pâques, plutôt Rapa Nui comme on l’appelle là-bas. « La grande lointaine ». J’étais là, imprévue, par un concours de circonstances, par une bulle de folie de fin d’été. J’errais tranquille où les Moaïs attisent les légendes, à des milliers de lieues entre l’Amérique latine et Tahiti, sur leur parcelle de terre de fin du monde.

L’instant de ma vie, c’était cet ultime matin de parfaite quiétude. J’avais ouvert les yeux aux aurores. Traversé l’Île sur sa largeur pour surprendre l’aube qui s’éveillait de l’autre côté. Le silence n’était rompu que par le rythme de mes pas sur la terre vermillon. De temps à autre par le galop d’une horde de chevaux sauvages passant en coup de vent qui me taquinait les jambes.

Ce matin-là, je me suis assise sur le sable près des vagues, j’ai fixé le soleil qui s’imprimait par-dessus l’océan infini. Un vieil homme s’est approché sur son cheval, un bâton de pêche rudimentaire en main. Il s’est agenouillé à côté de moi, muet, fixant devant lui aussi. 

Le jour s’est levé, nous avons échangé quelques mots chuchotés. Le peu qu’il faut pour se comprendre, lui en Māori et moi en Espagnol. Ce matin-là, j’ai compris que sur son Île du bout du monde, il y avait tout ce qu’il faut pour vivre.



C'était ça. 

And for what it's worth,
it was worth all the while.

jeudi 1 janvier 2009

Such a fine line

Le premier café-réveil de la nouvelle année, avec Neil Young qui joue de son harmonica dans mes oreilles. 

Dans quelques jours je pars pour un nouveau quotidien, loin de celui qui m'est si confortable depuis trois années. Je pars loin et je pars seule, laissant ceux que j'aime derrière l'instant d'un défi, d'une découverte. J'avoue que l'absence de repères me fait un peu peur, cette fois. Juste un tout petit peu. Quand même pas assez pour oblitérer la fébrilité qui me tient, au matin de cette année toute neuve. Je me souhaite qu'elle soit emplie d'explorations et d'accomplissements. Que la goût de créer s'empare de ma tête et de mes doigts toujours plus fort. Que les accolades et les éclats de rire m'endorment le sourire aux lèvres. 

Que 2009 soit des plus belles, chez vous aussi.