vendredi 16 janvier 2009

Recuerdas

Ma belle amie, 

Tu me dis que tout va, et au fond de moi, tristement, je sais que tu sombres tranquillement. Que tu sais plus bien ce que tu fais ici, que les réveils sont difficiles, que tu crois que t'en sortiras pas. Quand les jours usent ton sourire, quand demain n'a plus de sens, souviens-toi de nos deux mois sac-à-dos loin de tout. 

Souviens-toi de la nuit où nous nous sommes perdues dans le désert, quand il nous semblait que jamais nous ne retrouverions la civilisation. De la quiétude qu'il faisait cette nuit-là, de nos chuchotements pour ne pas déranger les étoiles. Souviens-toi du matin de mon anniversaire, de ton réveil aux petites heures pour sillonner les mercados de La Paz et  me préparer la plus colorée des salades de fruits. De la fête que nous nous sommes faites ce soir-là, les mojitos, la coca et le jazz. 

Souviens-toi de nos sacs-à-dos qui nous forgeaient l'âme et l'utopie. De ce soir où nous avons dérobé la pirogue pour se poser au milieu de la rivière junglesque, une bouteille de vin à la main, et des hurlements des capucins dans la noirceur céruléenne. Dans cette nuit où tu m'as avoué que notre périple t'avait sauvée. Que tu t'étais accroché à son espoir, alors que tu croyais que la vie était de trop. 

Souviens-toi de l'absurdité de nos parcours, des mésaventures qui nous faisaient toujours rire aux éclats. De nos illusions et de notre audace, des milliers de kilomètres parcourus. De tous ceux qui ont croisé notre chemin, le temps d'un matté. Et des cahiers de poésie que tu remplissais, et des tablettes à dessin que je noircissais. 

Souviens-toi comment tout était possible, quand rien n'avait de limites. Comment nous avions oublié d'où nous venions, et tous ceux qui nous le rappellaient. 

Souviens-toi que nous n'avions jamais été plus sereines, que nous avions enfin trouvé le moyen de se perdre. Alors plonge, ma belle amie. Impose ta chance, serre ton bonheur, va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront. 

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Wow.

Ce texte m'a fait l'effet d'un bon livre dont on ferme la dernière page et qu'on continue de fixer encore, s'imprégnant des dernières lignes lues.

Anna a dit…

magnifique.

J. a dit…

Merci.. :)